Sarkozy payé; journalistes payeurs ?

Jeudi dernier, l’ex-président français Nicolas Sarkozy nous faisait l’honneur d’une visite-éclair à Montréal, histoire de renflouer son compte personnel (de plus de 180.000 euros selon certaines rumeurs)! A la manière de Bill Clinton et de Tony Blair, il a en effet trouvé un bon moyen de valoriser ses compétences passées d’homme d’État en les « vendant » au plus offrant lors de conférences internationales. Il était l’invité de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et quelle ne fut pas ma surprise la veille en appelant la dite chambre pour y assister comme journaliste en vue de rendre compte de cette digne visite dans Le Monde.

« Si vous vouliez assister à la conférence de Nicolas Sarkozy, il fallait vous inscrire et payer ». C’est la réponse qu’on me donna, en ajoutant que de toutes façons les 750 billets étaient déjà vendus… En plus de trente ans de carrière de journaliste, c’est la première fois qu’on me refusait l’accès à une conférence de personnalité publique ! Même l’attachée de presse de M. Sarkozy a eu le culot de me répondre au téléphone que la conférence donnée au Palais des congrès était « à caractère privé ». Pourtant, la conférence de la « vedette » Sarkozy avait été annoncée publiquement et près de 800 personnes, essentiellement le gratin du milieu des affaires québécois, avaient répondu à l’appel !

Pour « rencontrer l’homme reconnu pour l’énergie avec laquelle il a dirigé la deuxième puissance économique européenne et partager un moment inspirant », selon la chambre de commerce, ils avaient déboursé 170 à 600 euros (avec repas). A ce dernier prix, on obtenait  « l’une des 150 meilleures places à table et une photo individuelle avec M. Sarkozy » ! L’histoire ne dit pas combien sont repartis avec leur photo-souvenir…

En échange, l’ex-président a livré une conférence de deux heures, en partie sous la forme d’une discussion avec l’ancien ministre conservateur canadien Michael Fortier, devenu vice-président de la branche Marchés des Capitaux de la Banque royale du Canada, première banque au pays.

Émoustillée par la mise à l’écart des journalistes, je me suis pointée à la sortie de la salle de conférences, comme quelques autres, pour recueillir des commentaires de participants. Les langues se déliaient facilement et l’avis semblait unanime pour saluer la prestation de M. Sarkozy, « fraîche et pleine d’humour » après une « vraie déclaration d’amour à Montréal et au Québec » et avant d’aborder le très sérieux thème de la conférence : « l’état de l’économie mondiale, les perspectives pour l’Europe et les nouveaux équilibres qui caractérisent la gouvernance mondiale ».

J’ai raconté aux lecteurs du Monde les propos rapportés par les VIP groupies de M. Sarkozy…(http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/04/26/la-vedette-sarkozy-defend-l-unite-europeenne-a-montreal).

Louis Hébert, professeur en stratégie à HEC Montréal le jugeait « touchant » quand il évoquait les liens profonds qui unissent la France et le Canada depuis la première guerre mondiale et « très convaincant sur l’importance pour les grandes puissances de travailler ensemble plutôt que de s’isoler et d’ainsi demeurer forts ».  Exit les sujets sensibles comme la politique française et la relation triangulaire France-Canada-Québec : Nicolas Sarkozy aurait préféré donner son point-de-vue sur des sujets d’actualité : la crise de l’euro; l’Islam et l’Occident; l’Iran; la Syrie; la montée en puissance du Brésil, de l’Inde et de la Chine…L’état de l’Union européenne a tenu le haut du pavé. Il a été « très rassurant » à ce sujet, disait une cadre en finances. Se plaçant « en vrai militant de la cause européenne, il a dit qu’il n’y avait pas d’euro sans Europe et pas d’Europe sans euro », soulignait Daniel Amar, conseiller au cabinet du ministre québécois  du Tourisme.

Nicolas Sarkozy posait « un regard perçant » sur les questions internationales, estimait le ministre québécois des Affaires internationales, Jean-François Lisée, jugeant que le conférencier partageait « la conviction que l’Europe allait tenir » et que « la volonté de paix était le ressort qui la soudait toujours ». L’ancien président aurait aussi appelé de ses vœux une « alliance commerciale Europe-Canada-États-Unis », selon Francis Lacombe, vice-président de la société Technostrobe. Alors que les négociations d’un accord de libre-échange Union européenne-Canada traînent en longueur et qu’un autre accord avec les États-Unis est annoncé, M. Sarkozy aurait plaidé pour une alliance tripartite, étant convaincu d’après M. Lacombe que ce serait la meilleure voie pour « modifier le rapport de force face à la Chine ».  

Sur la situation économique française, M. Sarkozy aurait surtout plaidé pour une révision du pouvoir de dépenser de l’État et pour une baisse des charges dans le secteur productif. Quant à son retour éventuel en politique, sur lequel il a été questionné, M. Sarkozy aurait été, selon M. Lisée, « d’un silence de sphinx »…

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À propos de Anne Pélouas

Journaliste-blogueuse au Canada, d'origine française, je suis correspondante du quotidien français Le Monde. J'écris aussi pour différentes publications québécoises et françaises, avec le tourisme, le plein air et la gastronomie pour sujets de prédilection. J'ai ouvert un second blogue en janvier 2016: Grouille pour pas qu'ça rouille. Spécial baby-boomers actifs !

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