Il a l’allure d’un jeune premier athlétique qu’on verrait plutôt acteur, rock star ou GO au Club Med ; mais le nouveau premier ministre canadien, Justin Trudeau, a démontré, quelques mois seulement après sa brillante élection, le 19 octobre dernier, à quel point il pouvait être un fin renard en politique. L’homme diffère profondément de son prédécesseur, le conservateur Stephen Harper… mais aussi de bien d’autres responsables politiques à travers le monde ! Partout où il passe, de Vancouver à Toronto, de Manille à Paris, le quadragénaire distille un vent de fraîcheur. Sera-t-il happé par la « machine » politicienne canadienne ou frappé par cette torpeur diplomatique qui fige souvent les relations internationales ? Saura-t-il concrétiser l’espoir qu’il incarne pour une majorité de Canadiens et faire perdurer la vive sympathie qu’il s’est déjà attirée auprès des grands de ce monde ?
Ce qui est sûr, c’est que, au cours des six premiers mois de son mandat, Justin Trudeau a pris quelques décisions annonciatrices d’un vrai changement de cap : accueil de réfugiés syriens ; retrait des troupes canadiennes de combat en Syrie ; nouvelle collaboration avec les peuples autochtones ; accroissement substantiel de l’aide de l’État à la classe moyenne ; lancement d’un grand programme d’infrastructures ; sans oublier la mise en oeuvre d’une réforme électorale. Il promet de propulser le pays dans la modernité, qu’elle soit numérique, culturelle, politique ou écologique. Reste à transformer l’essai.
« Nous avons battu la peur avec l’espoir et, ce soir, le Canada retrouve un peu de lui-même. » Cette phrase, que M. Trudeau a prononcée au soir de sa victoire électorale, résume bien l’état d’esprit actuel de ceux qui l’ont choisi. En ce fringant premier ministre libéral, sorte d’Obama canadien, ils retrouvent plusieurs des valeurs profondes qui les unissent (importance de la diversité culturelle, art du compromis, respect de l’autre, protection de la nature…). Son arrivée aux manettes est synonyme d’espoir de jours meilleurs pour eux, pour leur famille, pour le monde. Ce n’est pas rien.
Après une décennie de gouvernement conservateur marquée par l’obsession sécuritaire, la centralisation du pouvoir et la frilosité sur diverses questions morales ou sociales, Justin Trudeau a déjà réussi l’impossible : ramener les Libéraux au pouvoir à Ottawa et proposer sa vision d’un Canada moderne, animé d’idées nouvelles et d’un profond humanisme.
Le parcours d’un homme libre
Le jeune Justin a baigné depuis sa tendre enfance dans la politique mais, aussi, dans les turbulences d’une vie parentale dont les frasques firent les délices de la presse à sensation. L’image du père, Pierre Elliott Trudeau, chef du gouvernement fédéral de 1968 à 1979, puis de 1980 à 1984, lui colle à la peau. Il s’agace qu’on l’y compare sans cesse et a toujours aspiré à se faire un prénom (1). Leurs différences de personnalité sont notables. L’un était un intellectuel autoritaire, l’autre est un homme de terrain qui apprécie le contact humain. Quant au bagage familial de Justin Trudeau, il n’est nullement négligeable (2). Il est même essentiel, pour comprendre les ressorts de sa personnalité, de prendre la mesure de l’héritage que lui ont légué ses deux parents, mais aussi son grand-père maternel, Jimmy Sinclair, député dans les années 1940 et ministre des Pêches de 1950 à 1957, auquel il voue une admiration sans borne. Ayant vécu toute son enfance sous les feux de la rampe, habité le 24, Sussex Drive à Ottawa (résidence officielle du premier ministre), accompagné son père lors de grands voyages officiels, Justin Trudeau fait partie du paysage politique canadien depuis sa naissance, à l’instar des Kennedy aux États-Unis.
Il aime plaire. Et gagner. Gagner comme à la boxe, son sport favori, en usant de stratégie et de concentration, en évitant les mauvais coups, en se relevant s’il en prend un… Plaire, aussi, comme il a toujours voulu plaire à sa mère, cette grande absente d’une partie de sa jeunesse. Il a un fort besoin d’aller à la rencontre des autres et de se faire aimer, note Jonathan Kay, rédacteur en chef du Walrus Magazine (3). Comme un reliquat d’une enfance tourmentée par le divorce parental…
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