Au Canada, Justin Trudeau contraint de revoir ses ambitions

Article publié le 23 mars 2017 sur le monde.fr

L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche et l’importance du déficit budgétaire incitent le gouvernement libéral à la prudence.
Le ministre des finances canadien Bill Morneau a déposé à la Chambre des communes, mercredi 22 mars, un budget en « continuité » avec le précédent, lequel visait la relance économique par le biais de grands travaux d’infrastructures. Celui-ci revoit toutefois les ambitions du gouvernement libéral de Justin Trudeau à la baisse, en jouant de prudence en termes de dépenses. L’argent manque, en effet, dans les coffres de l’Etat, avec une économie qui se redresse lentement et un déficit public de 23 milliards de dollars canadiens (16 milliards d’euros) pour l’exercice clos le 31 mars.

De plus, il s’inscrit dans un contexte d’incertitude marquée par la nouvelle donne politique américaine, plusieurs décisions attendues du président Donald Trump en matière économique (baisse d’impôts, commerce bilatéral) projetant une ombre sur le futur des relations commerciales canado-américaines.

Les signes de redressement sont encourageants

M. Morneau avait déjà cette année une marge de manœuvre réduite. Si l’économie canadienne montre des signes encourageants de redressement, la croissance du produit intérieur brut (PIB) s’est limitée à 1,4 % en 2016, notamment à cause de la faiblesse des prix des matières premières, et ne serait que de 1,9 % pour 2017, selon les prévisions. Le budget précédent, avec son plan d’infrastructures et des baisses d’impôts pour la classe moyenne, a creusé le déficit. A 23 milliards de dollars canadiens, il est à plus du double du « modeste » déficit de 10 milliards par an sur trois ans que promettait M. Trudeau avant son élection fin 2015 ! Pour 2017-2018, le gouvernement prévoit lui-même un déficit de 28,5 milliards de dollars canadiens.

AVEC UNE HAUSSE DE DÉPENSES LIMITÉE À 4 %, LE GOUVERNEMENT A CHOISI DE CIBLER « UN PLAN À LONG TERME »

« Le Canada a une très bonne situation fiscale », affirme néanmoins M. Morneau, avec un niveau d’endettement par rapport au PIB qui – à 31,5 % – demeure selon lui le plus enviable des pays du G7.

 

Avec une hausse de dépenses limitée à 4 %, le gouvernement a choisi de cibler « un plan à long terme » qui donne surtout priorité à la formation (753 millions de dollars canadiens) et à l’innovation (527 millions) pour répondre aux transformations du marché du travail et de l’économie. L’une des craintes est de voir l’automatisation et la robotisation mettre 40 % des emplois canadiens en péril d’ici dix ans.

Les mesures visent surtout l’intégration des jeunes au marché du travail, le soutien aux chômeurs et la formation en alternance travail-études. En matière d’innovation, six secteurs sont privilégiés par le budget : les industries numériques, les technologies propres, l’agroalimentaire, la fabrication de pointe, les sciences biologiques et de la santé et les ressources naturelles propres.

De nombreuses incertitudes politiques

Le budget amorce aussi timidement une réforme de la fiscalité canadienne, en faisant un premier tri parmi une kyrielle de « crédits d’impôts », mais sans augmenter comme on le pensait la taxe de 50 % sur les plus-values lors de ventes immobilières. Il ne touche pas non plus à la déduction fiscale pour option d’achat d’actions, qui profite aux contribuables les plus riches. Le gouvernement a aussi résisté à son envie de relever l’impôt sur les sociétés, ce qui aurait nui à la compétitivité des entreprises canadiennes, alors que M. Trump a promis de son côté des baisses d’impôts et de taxes aux compagnies américaines.

Ce renoncement est l’un des exemples de l’embarras d’Ottawa, qui a dû préparer son budget sans trop savoir ce que les futures politiques commerciales américaines auraient comme incidence sur les exportations canadiennes, dont les trois quarts sont dirigées vers les Etats-Unis. M. Morneau avait retardé la présentation de son budget de plusieurs jours pour pouvoir mesurer – après plusieurs rencontres à Washington – les effets à attendre de la politique d’une administration Trump aux accents protectionnistes. « Le problème est que nous ne savons pas ce que M. Trump va faire, ce qui rend la tâche difficile pour M. Morneau », résume le président de la chambre de commerce du Québec, Stéphane Forget.

Incertitude sur le sort de l’accord de libre-échange nord-américain, sur de futures mesures fiscales favorables aux entreprises américaines ou de nouvelles barrières tarifaires que M. Trump pourrait instaurer à la frontière avec le Canada… A Ottawa, on marche sur des œufs et ce budget en est le reflet.

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À propos de Anne Pélouas

Journaliste-blogueuse au Canada, d'origine française, je suis correspondante du quotidien français Le Monde. J'écris aussi pour différentes publications québécoises et françaises, avec le tourisme, le plein air et la gastronomie pour sujets de prédilection. J'ai ouvert un second blogue en janvier 2016: Grouille pour pas qu'ça rouille. Spécial baby-boomers actifs !

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