Article publié sur LE MONDE le 1er avril 2016 • Texte écrit avec Nicolas Bourcier
Au coin du ring, vêtu de rouge, 81 kg, « Justin Truuuuudeauuu ! », hurle le speaker. Applaudissements nourris dans la salle. Le jeune député sautille, mouline du poing. Casque encollé sur la tête, tatouage à l’épaule, ses bras fins et musculeux brassent l’air sans relâche. Le regard est droit, figé, encadré d’un léger sourire, narquois diront les mauvaises langues, déterminé surtout. En face, vêtu de bleu, le très athlétique et conservateur Patrick Brazeau. Nouveaux applaudissements.
Présentations terminées, le match de boxe pour une collecte de fonds caritatifs peut commencer. Brazeau se rue sur son adversaire tête bêche, joue des poings et s’essouffle dès les premières secondes. Justin Trudeau virevolte, place ses banderilles. Feinte de corps, pas de danse, il a le swing léger, l’allonge efficace. Au troisième round, l’arbitre arrête le combat. Brazeau est laminé, le nez en sang.
Dans le public, la mère de Justin, Margaret Trudeau, ou « la belle Margot », comme elle était surnommée du temps où elle était la First Lady aux côtés du premier ministre Pierre Elliott Trudeau, est émue aux larmes.
Sur la chaîne anglophone Sun News, le commentateur lâche : « Justin est devenu un homme ! » Le public est debout. Ottawa n’avait jamais rien vu de tel. La politique est certes un sport de combat, mais, ce 31 mars 2012, un élu n’a pas seulement mis sa réputation en jeu, il a aussi déployé avec style la palette de ses talents. Le lendemain, Justin Trudeau annonce d’un ton calme qu’il ne boxera plus, désireux de se consacrer exclusivement à la politique.
Tout est là. « Pendant ces cinq minutes dans le ring, on apprend tout ce qu’il y a à savoir sur Trudeau, l’homme qui veut devenir premier ministre, alors qu’il cherche à obtenir la direction du moribond Parti libéral du Canada », écrira dans la foulée Althia Raj dans un petit ouvrage savoureux intitulé L’Aspirant (Editions Huffington Post, 2013).
Justin, rejeton de la figure flamboyante de l’histoire de la politique canadienne des années 1970 à 1980. Justin, l’héritier au physique de beau gosse, qui n’a jamais eu l’apparence d’un combattant traditionnel mais n’hésite pas à monter au front. Althia Raj ajoute : « Il est judicieux, calculateur, plus intelligent que vous ne le pensez. »
Fils prodige
Moins de quatre ans plus tard, on apprendra que son adversaire Patrick Brazeau a été mis en examen dans une sombre histoire de détournement de fonds et trafic de stupéfiants. Justin Trudeau, lui, est devenu à 43 ans premier ministre du Canada, le 4 novembre 2015.
La parabole est presque trop parfaite. Au terme d’une folle campagne, le fils prodige a remporté haut la main les élections générales. Il a su s’imposer dans un pays que l’on disait trop grand, trop compliqué à gérer pour ce jeune quadra qui n’a jamais présenté un seul projet de loi durant ses quatre ans passés au Parlement.
Il a bousculé les lignes de ce Canada engourdi après une décennie de gouvernement conservateur, marquée par l’austérité et le repli sur soi. Il a bouleversé l’échiquier politique, renvoyé dans les cordes l’indéboulonnable premier ministre Stephen Harper et rendu un supplément d’âme au pays. Avec ce tour de force de marquer l’air du temps.
« Nous avons battu la peur avec l’espoir. Ce soir, le Canada retrouve un peu de lui-même », dit-il devant ses partisans à l’annonce des résultats des législatives du 19 octobre. Et puis ceci, comme une troublante incantation du passé : « Les voies ensoleillées, mes amis, les voies ensoleillées… voilà ce qu’une politique positive peut faire. »
La phrase est une référence directe à Wilfrid Laurier, ancien premier ministre libéral, connu pour sa courtoisie et son habileté à forger des compromis. Prononcée en ces temps troublés où l’actualité charrie son lot de violences et d’idées noires, elle prend une dimension quasi rédemptrice. Comme si Justin incarnait ontologiquement, avec faconde et style, une réconciliation nationale, un lien entre le présent et l’optimisme des années 1960-1970. Celles qui ont vu naître ce désormais premier ministre.
Les Peuples premiers représentés
Ses mots marquent une rupture avec son prédécesseur. Mais pas seulement. Le 4 novembre, lors de son intronisation, il révèle le nom des 31 membres de son cabinet. Nouveau coup d’éclat. Le gouvernement Trudeau est le plus diversifié de l’histoire canadienne. Pour la première fois, la parité homme-femme est observée.
Deux représentants des Peuples premiers sont nommés respectivement à la justice et à l’intérieur. Une femme musulmane d’origine afghane, Maryam Monsef, débarquée au Canada comme réfugiée en 1996, décroche le ministère des institutions démocratiques. Quatre membres de la communauté sikhe – soit plus que dans le gouvernement indien – sont nommés, dont un au ministère de la défense.
Ce n’est pas tout. Le ministère de l’environnement est renommé ministère de l’environnement et du changement climatique. Celui de la citoyenneté et de l’immigration devient le ministère de l’immigration, des réfugiés et de la citoyenneté. Seize ministres se voient octroyer la liberté de ne pas prêter serment sur la Bible, contrairement à la tradition. Carolyn Bennett, la ministre des affaires autochtones, prête, elle, serment avec une plume d’aigle et une motte d’herbe verte dans les mains.
L’exécutif en place, Justin prend soin de convoquer tous les premiers ministres des provinces et rencontre les grands chefs autochtones. « Aucune relation n’est plus importante pour moi que celle avec les peuples autochtones », a-t-il assuré, promettant une meilleure coopération et une amélioration de leurs conditions de vie.
Surprise à la COP21
Lorsqu’une journaliste lui demande pourquoi il a imposé une parité stricte au sein du gouvernement, Justin Trudeau sourit et ouvre ses bras : « Parce que nous sommes en 2015. »
A Paris, lors de la COP21, il surprend la communauté internationale en réaffirmant que le Canada reconnaissait le danger du réchauffement climatique – ce que refusait systématiquement l’administration Harper.
Toujours à Paris, il détaille dans un entretien au Monde, le 30 novembre, l’arrêt de la participation de son pays aux opérations militaires de la coalition internationale en Irak et en Syrie, effectif depuis le 22 février. Enfin, en pleine crise migratoire en Europe, Justin Trudeau décide d’accueillir 25 000 réfugiés syriens – le Canada était passé, pendant l’ère Harper, de la 5e à la 15e place mondiale des pays d’accueil.
Fin mars, l’objectif est dépassé avec 26 200 réfugiés recensés par les services canadiens. Et le 1er avril, on apprendra que le gouvernement a décidé d’accueillir 10 000 réfugiés syriens supplémentaires. « Ce projet humanitaire renoue avec l’empathie qui manquait chez Stephen Harper et qui est une valeur traditionnelle des Canadiens et de Pierre Elliott Trudeau, lequel était généreux avec les immigrés », note Philippe Couton, professeur de sociologie à l’Université d’Ottawa.
Elu notamment sur la promesse d’un Canada « responsable et engagé de façon positive dans le monde », Justin Trudeau avait expliqué dans son interview au Monde que le pays avait « la volonté de redevenir un partenaire fréquentable ».Une façon de rappeler un de ses slogans de campagne : « Canada is back » (« le Canada est de retour »). De passage à New York, en mars, il annoncera d’ailleurs que son pays postulait à un siège de membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU). Une autre rupture avec l’isolationnisme des années Harper.
Parler-vrai
Le parler-vrai de Justin Trudeau détonne, peut dérouter. En février, le gouvernement admet que les annonces de réduction des émissions de gaz à effet de serre étaient trop ambitieuses. Volte-face ? Au contraire, assurent les spécialistes, l’administration Trudeau dit tout haut ce que les autres gouvernements n’osent pas avouer publiquement.
Sur la déchéance de la double nationalité, imposée en 2015 par M. Harper pour les Canadiens nés à l’étranger ayant conservé leur nationalité d’origine et coupables de crimes terroristes ou de trahison, Justin Trudeau tient parole. Le 25 février, un texte d’abrogation est déposé à la Chambre des communes.
Déjà en septembre 2015, en pleine campagne, il avançait que « les terroristes doivent conserver leur citoyenneté canadienne », afin d’être jugés au Canada pour qu’ils « finissent enfermés en prison pour le reste de leur vie ». Un « billet d’avion pour la Syrie » n’est pas le même genre de punition, avait-il ajouté. Et puis ceci : « Si vous rendez la citoyenneté conditionnelle à un bon comportement pour certains Canadiens, vous diminuez la valeur de la citoyenneté pour tout le monde. »
Les phrases s’envolent. Les mots bourdonnent. Se bousculent. Et semblent convaincre. D’après les sondages, la cote du gouvernement Trudeau bat des records de popularité avec 54 % d’approbation.
Pour expliquer un tel engouement, il faut tenter de retisser les liens de sa propre histoire, recoller les morceaux de cette jeune vie à la trajectoire de météore. D’abord s’attarder sur son CV qui, remarque Althia Raj, s’écarte de celui de la plupart des responsables politiques : il a été animateur de camps de vacances, instructeur de rafting et de surf des neiges, videur de boîte de nuit, enseignant du secondaire, animateur radio, administrateur d’ONG et conférencier, avant de s’engager dans la politique.
« Je t’aime, papa ! »
Suivre ensuite son parcours sans fautes dans une école privée jésuite de Montréal – celle-là même que fréquentait son père – et son année sabbatique passée avec deux amis à parcourir le monde une fois son diplôme en poche. « Je pense qu’il a beaucoup appris pendant ce voyage, parce que, au milieu du désert du Sahara, tout le monde se fout de ton nom », dira l’un de ses acolytes.
Il faut surtout revenir au jour des funérailles de son père, le 3 octobre 2000, à la basilique Notre-Dame de Montréal, où le pays découvre un jeune homme de 28 ans venu s’adresser à la foule en se mordant les lèvres, une rose rouge sur le revers de son veston. Devant lui, des dignitaires du monde entier. Le Cubain Fidel Castro, l’ex-président américain Jimmy Carter, l’Agha Khan, le prince Andrew… Leonard Cohen était au service national télévisé.
Justin, debout, balaie la salle du regard avant de raconter, d’une façon un peu théâtrale, le premier voyage fait avec son père. Il avait 6 ans. C’était à la pointe nord du Canada. Le froid était polaire. Justin s’ennuyait. Mais c’est là qu’il découvrit, devant une table de travail encombrée sur laquelle Pierre Elliott était penché, « combien [son] père avait de pouvoir et à quel point il était merveilleux ».
Après un dernier « je t’aime, papa ! », Justin s’écroule en larmes sur le cercueil. « J’ai voulu me lever pour aller le réconforter, racontera plus tard sa mère. Mais une main m’a retenue, celle de Fidel Castro »,qui lui souffle alors : « C’est un homme, Margaret. Un homme. »
Selon le journaliste et cofondateur du Toronto Sun, Peter Worthington, le fils Trudeau avait mis en scène cet éloge funèbre : c’est un acteur, un exhibitionniste, son discours était calculé pour lancer sa carrière politique. Les Canadiens se sont précipités pour le défendre, écrira l’auteure de L’Aspirant, Althia Raj. « Justin voulait que les gens sachent que son père aimait vraiment ses enfants. C’était son seul but », dira Gerald Butts, un de ses proches amis d’université.
« Lorsque mon tour sera venu »
Un mois après les funérailles, le premier ministre Jean Chrétien fait savoir qu’il y aurait de la place pour lui au Parti libéral… Mais Justin décline l’offre. En 2002, dans un entretien à l’hebdomadaire Maclean’s, il revient sur le sujet : « Quand cela arrivera, dit Justin, ce sera lorsque mon tour sera venu. Mon père avait vingt ans de plus que moi quand il a fait ses débuts en politique. Je ne veux pas me précipiter. »
Il ajoute : « Je suis loin d’être un produit fini. Je n’ai encore rien fait, rien accompli. Je suis modérément charmant, raisonnablement intelligent, j’ai 30 ans, avec une vie intéressante – un peu comme quelqu’un qui aurait été élevé par des loups ou qui aurait cultivé une citrouille géante. » Ou comme ce gamin qui a grandi au 24 Sussex Drive, la résidence officielle du premier ministre, avec « les pommettes, le menton prononcé et la voix nasale de son père », ajoute, non sans malice, le journaliste Jonathon Gatehouse.
Justin Trudeau s’implique alors dans Katimavik, un programme de service volontaire pour jeunes auquel il a participé adolescent. Il multiplie les conférences sur l’environnement, la participation citoyenne, l’engagement bénévole. De retour à Montréal, il dit avoir pris conscience que, pour défendre ces valeurs, il lui faut intégrer l’arène politique : « Les jeunes doivent être mieux représentés pour que leurs préoccupations soient entendues. » Après la défaite du Parti libéral en 2006, il milite en son sein pour la défense des droits des jeunes et le renouvellement du parti. L’ascension devient irrésistible.
L’acte fondateur se produit en 2008. A Papineau, fief indépendantiste québécois, Justin Trudeau remporte, en 2008, son premier siège à la Chambre des communes. Il joue les animateurs de rue, un peu comme il l’avait fait dans sa jeunesse, s’immerge dans cette circonscription montréalaise comme dans une joyeuse mêlée, avec ce côté sociable qu’il revendique lui-même dans son autobiographie intitulée Terrain d’entente. Il aborde la politique moins comme un sport que comme un « travail de contacts » qu’il décrit ainsi : « Il faut passer du temps, réellement, avec les gens qu’on souhaite représenter, écouter et assimiler les opinions et valeurs de sa communauté. »
« Faire de la politique autrement »
Son authenticité n’est pas feinte, souligne Jonathan Kay, rédacteur en chef du très sérieux Walrus Magazine. L’homme a passé de longues heures en 2013 en compagnie de Justin Trudeau pour l’aider à rédiger ses Mémoires. « Ce qui est remarquable chez lui, dit-il, c’est qu’il est complètement lui-même, sans fard, à l’inverse de beaucoup de politiciens. »
Sous ses allures de jeune premier, « Justin Trudeau n’a rien d’un romantique, affirme de son côté l’essayiste canadien John Saul. Il utilise un langage très direct. Il est solide, bien organisé, il aime être compris. » Interrogée, sa femme, Sophie Grégoire, ajoute : « Personne ne va enlever à Justin le travail, l’apprentissage, l’acharnement ni la pureté de son intention. Il croit sincèrement qu’il y a moyen de faire de la politique autrement, de renverser la machine et de gouverner en étant à l’écoute des gens. »
L’image du père, Pierre Elliott, brillant premier ministre de 1968 à 1979 puis de 1980 à 1984, lui a longtemps collé à la peau. Il s’agace d’ailleurs de cette comparaison incessante. « Je serai toujours un fils », lâche-t-il un jour.
Leurs différences de personnalité sont pourtant notables. Le père était un intellectuel autoritaire, le fils un homme de terrain, qui aime le contact avec les gens, constate Raymond Chrétien, ancien ambassadeur du Canada aux Etats-Unis et en France, qui a connu Pierre Elliott Trudeau lorsqu’il n’était encore que député.
Mais père et fils partagent la même liberté de pensée et le même côté iconoclaste : Pierre Elliott avait légalisé le divorce et décriminalisé l’avortement et l’homosexualité, lors de son passage à la justice dans les années 1960, avant d’établir des relations avec la Chine communiste et le Cuba castriste, au grand dam du voisin américain.
M. Chrétien estime qu’« on a négligé l’immense bagage familial [de Justin] » : notamment celui de la mère et du grand-père maternel, Jimmy Sinclair, habile responsable politique de terrain auquel Justin voue une profonde admiration.
Justin Trudeau est le premier enfant né d’un chef de gouvernement en exercice, ayant vécu toutes ses premières années sous les feux de la rampe, « élevé dans l’antichambre de la Maison Blanche, du Kremlin et de la Chine », souligne Serge Joyal, ancien ministre de Trudeau père. « Il fait partie du paysage politique canadien depuis sa naissance, comme les membres de la famille Kennedy aux Etats-Unis », ajoute le sociologue Philippe Couton.
Un air de JFK et l’aisance d’un Obama
A l’inverse de son père, mais à l’instar de son grand-père, Justin adore le porte-à-porte et se pose en rassembleur. Même fraîchement élu, celui qui rêvait petit de devenir astronaute prend le temps d’aller à une première de Star Wars en compagnie de jeunes patients de l’hôpital pour enfants de Toronto. Pour ses vœux télévisés de fin d’année, il choisit d’enregistrer son intervention dans le métro de Montréal, avec des questions des passants.
Justin, c’est peut-être ça : un air de JFK avec l’aisance d’un Barack Obama. The Hill, le journal du Congrès américain, n’avait-il pas titré « L’Obama canadien » peu avant sa visite à la Maison Blanche ? Les deux hommes s’entendent d’ailleurs à merveille. Sa réception à Washington, en mars, a montré une grande proximité.
Autre signe des temps : quelques semaines après l’élection de Justin Trudeau, le président américain a opposé son veto au Keystone XL, un projet controversé de pipelines géants imaginé sous l’ère Harper et destiné à acheminer le pétrole bitumineux canadien aux raffineries texanes. Cette décision, soulignent les spécialistes, permet d’enlever une épine du pied à Trudeau. Elle pourrait aussi l’aider à convaincre les ministres des provinces de l’importance de la mise en œuvre d’un plan national de réduction des gaz à effet de serre.
« Justin a un fort besoin d’aller à la rencontre des autres et de se faire aimer », souligne le journaliste Jonathan Kay, qui y voit le reliquat d’une enfance tourmentée par la séparation de ses parents en 1977 (le divorce sera prononcé en 1984).
Dans Terrain d’entente, le fils ne cache pas la douleur d’avoir vu ce père charismatique se disputer avec sa mère, de vingt-neuf ans sa cadette. Margaret Sinclair, de son nom de jeune fille, jolie rebelle sans cause, avec ses yeux bleus et ses fleurs dans les cheveux. « Maggie », devenue rapidement un personnage public à la vie tumultueuse, malmenée par le syndrome de la bipolarité qu’elle révélera des années plus tard.
« Unir les Canadiens »
Un proche de Justin Trudeau, aujourd’hui diplomate, estime que son désir de réconciliation exprimé en toutes circonstances découle de ces années troublées passées à Sussex Drive. « Il a cette volonté sincère d’unir les Canadiens comme il a dû l’exprimer et le ressentir pour ses parents en plein déchirement. »
Le couple Trudeau s’est lentement dégradé. Maggie quitte de plus en plus la résidence officielle, qu’elle qualifie de « fleuron du système carcéral canadien ». Deux mois avant la séparation, Maggie profite d’un concert des Rolling Stones à Toronto pour aller s’encanailler avec le groupe au cours d’une virée à New York alors que Keith Richards vient d’être arrêté pour possession d’héroïne dans sa chambre d’hôtel.
Le scandale au Canada est tel que le premier ministre doit intervenir publiquement. D’un ton calme et digne, il lâche : « Alors, une femme se rend à New York pour voir des amis et faire quelques photographies, je ne pense pas que cela la rende coupable de décevoir le peuple canadien ou de ruiner le dollar canadien. »
Le démenti ne trompe personne, Pierre Elliott et Margaret annoncent leur séparation dans la foulée. D’après l’épaisse autobiographie de Keith Richards, Maggie Trudeau a bien eu une histoire avec les Stones, ou plutôt deux aventures avec deux membres du groupe.
« On a vu un homme se métamorphoser »
L’« héritier » a su dépasser cet héritage aussi glamour qu’encombrant. « Justin Trudeau s’est graduellement révélé au pays », estime Raymond Chrétien. Durant sa très longue campagne électorale de 2015, ajoute-il, « on a vu un homme se métamorphoser », un homme qui « ne s’est pas vu offrir la victoire sur un plateau d’argent. Il l’a réellement gagnée ». Un homme donc, ou plutôt un animal politique doté d’un sacré savoir-faire, d’une redoutable allonge et d’un charisme à l’épreuve du temps.
« Ne faites pas de trop petits rêves, car ils n’ont pas le pouvoir de faire avancer l’humanité. » La citation fétiche de Justin Trudeau, tirée de Goethe, est peut-être le message qui a tant plu aux Canadiens le soir du 19 octobre : miser sur l’espoir plutôt que sur la peur.
Cette peur avec laquelle les conservateurs ont joué durant la campagne, refusant d’ouvrir la porte du pays aux réfugiés par crainte de voir des terroristes passer à travers les mailles. « Nous sommes des rêveurs, des innovateurs, des bâtisseurs qui doivent profiter de leurs forces, dont celle d’une extrême diversité culturelle », leur répondait alors Trudeau.
De fait, il a séduit les amphithéâtres universitaires comme les forums d’hommes d’affaires, réveillant une nouvelle « trudeaumania » au Canada, quarante ans après son père.
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