Au Canada, participation décevante au premier «anti-Davos» dans un pays riche
Article publié le 11 aout 2016 sur lemonde.fr
Une grande marche colorée a marqué, mardi soir 9 août à Montréal, l’ouverture du 12e Forum social mondial (FSM), le premier organisé dans l’hémisphère Nord. Ce choix du Canada, pays membre du G7, pour organiser un « anti-Davos » avait été critiqué par plusieurs organisations altermondialistes, notamment africaines. Il a entraîné une certaine désaffection de participants venus de pays du Sud, rebutés par les coûts élevés du FSM.
Les militants s’engagent mercredi dans un marathon de discussions en ateliers et lors de grandes conférences portant sur les axes stratégiques du mouvement : démocratie, migrations, libre-échange, finance, évasion fiscale, lutte contre le changement climatique. L’extraction des énergies fossiles, l’autodétermination des autochtones ou les droits de la communauté LGBT figurent aussi parmi les sujets abordés.
Objectif : « Construire des alternatives concrètes au modèle économique néolibéral et aux politiques fondées sur l’exploitation des êtres humains et de la nature. » Les militants tiendront 26 « assemblées de convergence » menant, samedi, à une « agora des initiatives pour un autre monde » puis le lendemain, au dévoilement de stratégies d’actions assorties d’un calendrier. Une nouveauté pour le mouvement né à Porto Alegre, au Brésil, en 2001.
Pas de visa pour Aminata Traoré
Les animateurs du FSM souhaitent, cette année, lui « donner un nouveau départ en dépassant la fracture entre le Nord et le Sud » car, souligne Raphaël Canet, coordonnateur de l’édition 2016, « les inégalités s’accroissent partout ». Le cofondateur du FSM, le Brésilien Chico Whitaker, ajoute que « les problèmes vécus dans le tiers-monde le sont de la même manière dans les pays industrialisés », notamment en matière de changements climatiques.
Les organisateurs ont dû réviser leurs prévisions, espérant accueillir 25 000 participants au lieu du double prévu initialement. Mardi, à peine 15 000 inscriptions étaient enregistrées. Signe que la nouvelle vague de jeunes militants du Nord qu’on avait vu naître notamment lors du « printemps érable » québécois en 2012, puis dans le sillage de la candidature de Bernie Sanders aux primaires démocrates américaines s’essouffle déjà ?
Quelque 6 000 participants proviennent de 120 pays autres que le Canada, mais au moins 300 militants venus d’un pays du Sud se seraient vu refuser leur visa par Ottawa. « Ce choix politique déshonore le gouvernement canadien », dénoncent les organisations Attac France et Attac Québec.
Les grands absents pour cause de refus de visas sont la militante altermondialiste malienne Aminata Traoré, le président du syndicat palestinien des postiers, Imad Temiza, et Rogerio Batista, du syndicat brésilien CUT. La première, candidate à la succession du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a vivement réagi à ce refus, dénonçant « une atteinte à la réputation du Canada comme pays ouvert ». Elle devait participer à une conférence sur l’éducation, en partageant la tribune avec le sociologue et philosophe français Edgar Morin.
Bernie Sanders, retenu, dit-on, par la campagne d’Hillary Clinton, est l’autre figure absente du FSM.